Dire Straits est un groupe de rock britannique créé en 1977 : le quatuor s’est dissout en 1993 après avoir vendu plus de 120 millions d’albums.
Un de leurs plus grands succès est « Money for nothing », publié sur l’album « Brothers in Arms » (1985). Cette chanson reprend ironiquement les propos hostiles entendus d’un vendeur d’appareils électroménagers contre les vedettes rock : selon lui, ces artistes mènent une vie aisée, l’argent coulant à flot et les filles acceptant de coucher avec eux facilement (money for nothing and chicks for free).
À la suite d’une plainte d’un auditeur de Terre-Neuve, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a récemment décidé d’interdire cette chanson sur les ondes canadiennes. En effet, à trois reprises, on peut y entendre le mot « tapette » (faggot). Selon l’organisme de règlementation canadienne, « Faggot est un mot qui, même s’il était entièrement ou marginalement acceptable à une époque précédente, ne l’est plus.»
À mon avis, on ne peut pas réécrire l’histoire. Toutes les œuvres artistiques reflètent les mentalités qui prévalaient au moment de leur création.
À titre d’exemple, dans les films de Sacha Guitry, les femmes ne servent que de faire-valoir au cinéaste-comédien. On comprend facilement que des spectatrices d’aujourd’hui peuvent ne pas apprécier son humour cinglant. Pourtant c’est lui le parolier d’une chanson féministe écrite pour sa maitresse Yonne Printemps (« J’ai deux amants »).
Ce qui n’était qu’un jeu ou une parodie à une époque, peut prendre ultérieurement un sens différent alors que le temps a effacé les repères qui permettaient aux spectateurs ou auditeurs du temps de relativiser l’œuvre.
Doit-on interdire tous les romans, films et opéras susceptible de heurter les mentalités d’aujourd’hui ? Si oui, vous risquez de ne jamais plus entendre « Cosi fan tutte » et « La flute enchantée » de Mozart, ni « Les pèlerins de la Mecque » de Gluck, ni « Il Trovatore » de Verdi, pour ne nommer que ceux-là ; les deux premiers accusés de misogynie, le troisième d’islamophobie et le dernier de racisme (les Bohémiens seraient des voleurs d’enfant).
Quelqu’un qui fredonnerait aujourd’hui un couplet de « Money for nothing » dans le but précis d’offenser ou de harceler un homosexuel, ou une station de radio qui ferait de cet extrait un hymne homophobe, joué à répétition, pourrait être accusé de harcèlement. Mais interdire une œuvre ancienne par rectitude politique est, à mon avis, excessif et nous prive de la faculté de constater l’évolution des mentalités dans nos sociétés depuis la création de cette œuvre.
Être cultivé, c’est avoir la faculté d’apprécier une œuvre au-delà des barrières culturelles qui se sont dressées depuis entre son créateur et nous.
Références :
Dire Straits
Dire Straits’ ‘Money for Nothing’ Banned in Canada
Une chanson de Dire Straits jugée homophobe