Le Ballet de l’impatience
C’est avant-hier que se terminait la neuvième édition du festival de musique Montréal Baroque.
Pour la première fois de l’histoire de ce festival, la température a été fraîche et pluvieuse, ce qui a ralenti mes ardeurs à assister à certains spectacles, malgré l’achat d’une passe qui me donnait droit à tout.
À 16h le premier jour, le musicologue François Filiatrault — auteur de la presque totalité des notes du programme — prononçait une conférence sur le ballet de cour. Cette conférence, abondamment illustrée, nous préparait au spectacle qui suivait en soirée.
Donc le soir même, Les Jardins chorégraphiques — c’est le nom d’une troupe de ballet — présentaient une œuvre de Lully, Le Ballet de l’impatience, créée en 1661 et reprise à Montréal pour la première fois depuis.
En réalité, la musique et le livret de ce ballet ont été reconstitués à partir de plusieurs documents anciens alors que la chorégraphie et la pantomime sont le fruit de l’imagination débridée de ses artisans montréalais.
Il s’agit d’un ballet à sketches : on nous présente diverses situations susceptibles de générer de l’impatience. Par exemple, des procureurs qui multiplient les procédures, ce qui augmente leurs honoraires et suscite l’impatience de leur client. Chaque saynète est précédée d’un récit (en vieux français) qui nous explique ce qui va suivre.
Dans ce cas-ci, ce vieux français est celui parlé à l’époque de Louis-XIV : il ressemble à de l’acadien. On prononçait « montère l’escalié » pour « monter l’escalier ». On prononçait le « o » et le « i » de « moi » et de « toi », ce qui sonnait différemment du « moâ » et du « toâ » d’aujourd’hui et qui ressemblait beaucoup au « moé » et « toé » du bon vieux joual québécois. Cette langue, c’était celle de la cour du « Roé » Louis XIV, différente de la langue du « Roy » (comme on dit « Roy Dupuis ») Louis XIII, son père.
Le ballet proprement dit est très différent du ballet comme on le connaît aujourd’hui. Oubliez les tutus et les ballerines dansant sur le bout des orteils. C’était des pas de danse connus de la noblesse (et exécutés par certains d’entre eux dans la représentation devant le roi) et exécutés également par des danseurs professionnels. Cette danse s’accompagnait d’un jeu de main fascinant, qu’exécutaient avec beaucoup de naturel deux des quatre danseurs de la représentation montréalaise.
Quant aux décors, ceux de l’époque avaient brulé avant la première représentation à Paris : à Montréal, ils furent inexistants.
Quant à la musique authentiquement de Lully, elle fut assurée avec brio et avec fantaisie par La bande Montréal baroque, un orchestre formé pour l’occasion de plusieurs des plus brillants musiciens baroques de Montréal.
(Mon Dieu, que de mots pour ce concert d’ouverture).
Je passe sur plusieurs concerts auxquels j’ai assisté, qui furent biens (dont ces concertos créés par le musicologue montréalais Bruce Haynes — décédé quelques semaines avant le festival — à partir de cantates de Bach).
Le Gesualdo Consort Amsterdam
On nous avait prévenus que les madrigaux de Gesualdo (un compositeur de la Renaissance) créeraient l’événement à 21h ce soir-là et ce fut le cas. Exécution parfaite à capella par le Gesualdo Consort Amsterdam. Toutefois j’avoue que les œuvres pour clavecin de ce compositeur (également au programme) ne me disent rien.
Partition de Trabaci
Un des grandes surprises du festival furent les œuvres instrumentales de Giovanni Maria Trabaci (vers 1575 – 1647) présentées à 16h le 25 juin. Celui-ci a écrit les plus anciennes partitions connues écrites spécifiquement pour la harpe. Ses œuvres pour clavier sont particulièrement séduisantes. Selon le compositeur lui-même, elles peuvent être jouées par un ensemble de violes, ce qui fut le cas cet après-midi là.
À 17h30, toujours le 25 juin, le musicologue Noam Krieger a expliqué le long et tortueux cheminement qui lui a permis de reconstituer admirablement la musique du ballet de Lully présenté la veille.
L’Arion orchestre baroque
À 21h (toujours le 25), le gala célébrant le 30e anniversaire du groupe Arion fut une réussite complète. Ce groupe est déjà connu pour sa virtuosité et sa précision : ce gala fut à la hauteur de sa réputation.
Le pianofortiste Robert Hill
Quant aux polonaises séduisantes du fils cadet de Bach, Wilhelm-Friedemann Bach (1710 – 1784) — exécutées au pianoforte par l’allemand Robert Hill — elles furent pour moi une révélation. Alors que certaines de ses pièces sont épouvantablement difficiles à exécuter en raison de la virtuosité qu’elles exigent, d’autres sont d’un dépouillement extrême, lourdement chargées d’une tension émotive qui annonce le romantisme allemand (et celui de Beethoven en particulier).
Site du concert des Ensembles Ysis et La Rota
Le 26 juin à 16h, les Ensembles Ysis et La Rota présentaient la musique médiévale du Roman de F.A.U.V.E.L., une œuvre en partie en latin et en partie en vieux français. Le concert mettait en vedette les voix de deux excellentes sopranos dont la principale (dont j’ignore le nom) est absolument absolument absolument extraordinaire. Avec une légère vibration de la voix qui me rappelle (en mieux) la hongroise Mària Zàdori à ses débuts, et une habilité à broder une dentelle de notes à vous couper le souffle d’admiration.
Les artisans du spectacle « L’enfer de Macbeth, au cabaret »
Pour clôturer le festival, on présentait un texte contemporain qui parodiait le Macbeth de Shakespeare, le tout sur de la musique élisabéthaine de Purcell, de Blow et d’Eccles. Le spectacle était assuré quant à la musique par l’Ensemble Caprice (impeccable), par un chœur mixte de chanteurs assez biens, par deux comédiens montréalais assez bons et par une maitresse de cérémonie d’une drôlerie à dérider une vieille pomme. Je n’ai pas réussi à comprendre qui a écrit ce texte cynique, iconoclaste et totalement irrésistible mais je dois dire que je me suis bien amusé.
Mme Susie Napper profitant d’un moment de répit pour se reposer
Pour terminer, je dois vous parler de Susie Naper. Cette gambiste de réputation internationale est une des femmes les plus extraordinaires que compte le Québec. Sans elle, ce festival n’existerait pas. C’est grâce à son esprit d’entreprise qu’une multitude d’artisans talentueux pratiquant la musique baroque au Québec se réunissent annuellement dans cette grande fête donnée pour notre plus grand plaisir.
Bravo et merci à tous (et mes excuses à Mme Naper qui va sûrement me détester pour cette photo indiscrète).
Détails techniques des photos : Appareil Panasonic GF1, objectif Lumix 20mm f/1,7
1re photo : 1/80 sec. — F/1,7 — ISO 100 — 20 mm
2e photo : 1/30 sec. — F/1,7 — ISO 160 — 20 mm
3e photo : 1/60 sec. — F/1,7 — ISO 100 — 20 mm
4e photo : 1/30 sec. — F/1,7 — ISO 200 — 20 mm
5e photo : 1/30 sec. — F/1,7 — ISO 400 — 20 mm
6e photo : 1/30 sec. — F/1,7 — ISO 400 — 20 mm
7e photo : 1/30 sec. — F/1,7 — ISO 250 — 20 mm
8e photo : 1/30 sec. — F/1,7 — ISO 160 — 20 mm
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