Lieu de prière à l’école : laïcité vs apostasie

Le 6 avril 2023

La laïcité se définit comme la séparation de l’Église et de l’État.

Lorsqu’il est laïc, l’État ne fait la promotion d’aucune religion. Mais il n’oblige pas ses citoyens à renoncer à leur foi.

À l’école, l’élève peut donc porter des décorations en forme de symboles religieux et n’est pas obligé de masquer des tatouages qui les représentent.

De plus, l’élève de confession chrétienne peut faire un signe de la croix avant d’entamer un repas sans courir le risque d’un reproche ou d’une punition.

Les trois grandes religions monothéistes (le judaïsme, le christianisme et l’islam) ont beaucoup plus de choses en commun que de choses qui les distinguent.

Pour le fidèle, la religion musulmane est la plus exigeante des trois. C’est ainsi qu’elle oblige le croyant à effectuer cinq prières par jour; à l’aube, au milieu de la journée (au zénith solaire), au milieu de l’après-midi, au coucher du soleil et au crépuscule.

Tout comme l’obligation du Catholique d’assister à la messe dominicale — une obligation respectée par seulement 4,5 % des croyants français — seuls le tiers des Musulmans français prient systématiquement cinq fois par jour.

En réaction au fait que des écoliers priaient dans les cages d’escalier ou à l’extérieur (sur le stationnement de l’école), la direction de deux établissements scolaires de Laval a ouvert temporairement un local pour la prière musulmane.

La nouvelle s’étant répandue, le ministre de l’Éducation a aussitôt annoncé son intention d’émettre une directive qui interdira l’aménagement de salles de prière dans les écoles publiques du Québec, tout en invitant les écoliers qui veulent prier de le faire en silence.

Étonnamment, dans la controverse à ce sujet, aucun journaliste québécois n’a donné la parole à ces jeunes afin qu’ils expriment leur point de vue.

Pour que l’école publique demeure le creuset où se forge l’apprentissage de la citoyenneté québécoise et où se transmettent nos valeurs, il est important qu’elle évite la création d’écoles privées où, au contraire, on prêchera le sectarisme.

D’où l’idée d’éviter de répéter les erreurs du passé, soit celles où les non-Catholiques étaient systématiquement rejetés vers l’école anglo-protestante, plus accommodante.

À mon avis, il serait préférable d’encadrer la prière à l’école plutôt que de la rejeter dans la clandestinité. Cet encadrement doit reposer sur trois principes.

Premièrement, ce local ne doit pas être sacralisé, c’est-à-dire réservé à l’usage exclusif d’une religion.

Deuxièmement, lorsqu’il est utilisé, il doit l’être en silence puisqu’il est susceptible d’accueillir simultanément des personnes de confessions différentes.

Contrairement au catholicisme — dont le clergé est ordonné par une autorité ecclésiastique — n’importe qui peut devenir imam comme n’importe qui peut diriger la prière dans certaines confessions protestantes.

Or dès qu’il y a prédication, il y a danger d’endoctrinement salafiste (ou pire, takfiriste), particulièrement lorsque cette prédication se fait dans une langue qu’aucune autorité scolaire ne comprend.

Voilà pourquoi la prière doit se faire en silence.

Troisièmement, dès qu’il est utilisé, ce local doit être accessible autant aux écoliers masculins que féminins.

S’il est vrai que la plupart des mosquées pratiquent la discrimination sexuelle — comme ce fut le cas pendant des siècles dans les églises chrétiennes — le local scolaire dont on parle n’est pas une mosquée et du coup, doit respecter la Charte québécoise des droits et libertés.

Faire à l’école la démonstration que la foi musulmane est parfaitement compatible avec le Québec moderne est le meilleur argument pour soustraire les jeunes Musulmans à l’influence de certains imams qui, au contraire, prêchent que la Démocratie et les Droits de la personne sont contraires à la Volonté divine.

Bref, en permettant discrètement la prière dans nos établissements scolaires, on permet à l’école de jouer un de ses rôles les plus importants, soit de préparer l’étudiant à la citoyenneté québécoise.

Au lieu d’opposer artificiellement la laïcité de l’État à la pratique individuelle de la foi — deux choses qui n’ont strictement aucun rapport — on évite de faire aux jeunes Musulmans la démonstration que le seul le multiculturalisme canadian est apte à respecter ce qu’ils sont.

Références :
Bernard Drainville invite les élèves à prier en silence
Deux écoles de Laval offrent un local pour la prière musulmane
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
Les catholiques français boudent la messe dominicale
Proportion de Français musulmans faisant les cinq prières par jour en 2017, selon la fréquence
Salat (islam)

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9 commentaires à Lieu de prière à l’école : laïcité vs apostasie

  1. André Joyal dit :

    À vos références, il manque la chronique de Pat Lagacé de ce matin. Vous verrez que ce n’est pas 2 mais, de nombreuses écoles qui sont concernées. Cette fois, je suis d’accord avec Drainville : non à l’envahissement.

    • Jean-Pierre Martel dit :

      À La Presse, Patrick Lagacé est un de mes chroniqueurs préférés. Mais son texte (celui dont vous parlez) aurait pu se résumer en une seule phrase; c’est étrange.

      Je soupçonne qu’au cours du repas du midi, les jeunes Musulmans qui pratiquent le jeûne du Ramadan veulent simplement se soustraire à la tentation provoquée par l’odeur ou la vue de leurs amis qui se sustentent joyeusement. C’est probablement une idée qui est apparue sur les médias sociaux et que s’est répandue entre eux.

      Alors, pourquoi ne pas leur offrir un local pour s’isoler ? Qu’est que cela peut bien faire ?

  2. Jacques Cardinal dit :

    Très brillant votre article, j’aimerais bien le transférer sur Twitter mais je n’y arrive pas. Pouvez-vous me dire comment faire. Merci

    • Jean-Pierre Martel dit :

      En bas à gauche, sous l’article de Twitter que vous voulez commenter, cliquer sur la bulle qui permet de débuter la rédaction d’un commentaire. À l’invite ‘Tweet your reply’, écrire votre gazouillis.

      Après avoir changé de ligne, collez l’hyperlien de mon texte, soit :
      https://www.jpmartel.quebec/2023/04/06/lieu-de-priere-a-lecole-laicite-vs-apostasie/
      et cliquez sur ‘Reply’.

      C’est aussi simple que cela.

      Ceci étant dit, merci pour votre commentaire.

  3. marzovic' dit :

    Très beau texte et franchement c’est objectif et constructif.
    Les articles de journaux sous entendent qu’il existe un complot voir même une invasion des musulmans dans la vie québécoise alors qu’il s’agit seulement de savoir vivre ensemble.
    Je suis actuellement en France et ici le vivre ensemble est bien mort. Les extrêmes en tout genre se font la guerre et c’est le peuple qui prime. À qui profite le crime ici? Évidemment aux personnes qui souhaitent faire leur affaire en toute discrétion. Regardez l’arabe qui cache la forêt.
    C’est bien des avis équilibrés comme le vôtre qui doivent être entendus.
    Je suis tombé sur votre texte au hasard des lectures, je ne vous connais pas réellement.
    Bonne continuation et merci pour votre contribution.

    Coucou d’un pays en déclin 🇨🇵

  4. sandy39 dit :

    SECTE OU DOGME ?…

    Je pense comme Vous, J.Pierre. J’ai, toujours, eu peur que l’on forme des monstres, à l’Ecole.

    Aujourd’hui, j’ai, davantage, l’impression que le Système Capitaliste fabrique, en priorité, des consommateurs.

    Je suis d’accord avec Vous (et, en ai, toujours, eu la crainte) sur le rôle des écoles privées… où on prêchera le sectarisme.

    Je peux vous demander : que sous-entendez-vous par “Eviter de répéter les erreurs du passé.” ?

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Autrefois, le système scolaire québécois était confessionnel.

      Dans le cas du réseau des écoles catholiques, l’enseignement était prodigué essentiellement par des religieuses. Or beaucoup d’entre elles voyaient dans leur tâche une occasion irrésistible d’évangélisation.

      Pour les parents francophones de confession autre que catholique, ce prosélytisme était inacceptable.

      Si bien qu’un grand nombre parmi eux ont préféré envoyer leurs enfants dans des écoles protestantes, où personne ne cherchait à les convertir, mais où l’enseignement se faisait en anglais.

      Du coup, ce partage confessionnel des écoles publiques contribuait à l’anglicisation du Québec.

      En 1997, la constitution canadienne fut modifiée de manière à permettre au Québec de structurer son système scolaire sur des bases linguistiques.

      Donc, dans mon texte, quand j’ai parlé des erreurs du passé, je fais allusion à cette époque où notre manque d’ouverture à la différence nous a finalement été préjudiciable.

      De la même manière que la période de Noël coïncide avec une augmentation de religiosité chez les Catholiques (messe de minuit et cantiques de Noël), il en est de même chez les Musulmans au cours du ramadan.

      Je soupçonne que les adolescents dont on parle testaient simplement leur aptitude à se plier à la rigueur de ce jeûne et se préparaient ainsi à devenir des adultes.

      Ce jeune — qui interdit de boire, même de l’eau — commence au lever du soleil et se termine à son coucher.

      À mes yeux, toute cette histoire est une tempête dans un verre d’eau.

      Cessons donc de réagir comme des taureaux espagnols, chaque fois qu’un toréador de droite agite sa muléta antimusulmane.

      J’aimerais qu’un jour, on réalise que le danger qui guette le Québec, ce n’est pas son islamisation; c’est son anglicisation.

  5. sandy39 dit :

    SUR LES ERREURS DU PASSE…

    Je comprends ainsi : soit tu mettais tes enfants dans une école catholique ou dans une école protestante. Si tu allais dans une école protestante, tu parlais anglais dès tout petit, je suppose…

    Et, dans les écoles catholiques, les enfants parlaient uniquement français ?

    Parce que j’ai du mal à m’imaginer l’enseignement au Québec… Vous êtes tous bilingues, dès tout petit ? Ou s’il reste une toute petite partie de la population parlant, uniquement, français ?

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Je comprends ainsi : soit tu mettais tes enfants dans une école catholique ou dans une école protestante. Si tu allais dans une école protestante, tu parlais anglais dès tout petit, je suppose…

      Exactement.

      Et, dans les écoles catholiques, les enfants parlaient uniquement français ?

      Essentiellement, oui. Toutefois, à l’adolescence, une fois le français bien appris, on enseignait l’anglais, langue seconde.

      Parce que j’ai du mal à m’imaginer l’enseignement au Québec… Vous êtes tous bilingues, dès tout petit ? Ou s’il reste une toute petite partie de la population parlant, uniquement, français ?

      La moitié des Québécois sont unilingues français. Ces personnes peuvent baragouiner quelques mots d’anglais, mais sont incapables de postuler pour un emploi où la connaissance de l’anglais est exigée.

      Donc, chaque fois qu’un employeur exige la connaissance de l’anglais alors que cela n’est pas nécessaire, cela constitue une discrimination à l’embauche exercée contre la moitié des Québécois.

      C’est un scandale, typique des peuples colonisés qui aspirent à ressembler à leurs maitres.

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