Le Covid-19 chez les enfants prépubères

Publié le 29 juillet 2020 | Temps de lecture : 6 minutes

Contagiosité des enfants

Prépubliée le 16 juillet 2020, une étude sud-coréenne a évalué la transmissibilité du Covid-19 selon l’âge des personnes atteintes. La période d’observation dura environ deux mois, soit du 20 janvier au 27 mars 2020.

Des 5 706 personnes infectées en observation, 29 étaient âgées de 0 à 9 ans.

En moyenne, ceux-ci eurent deux contacts familiaux et six contacts extrafamiliaux.

Parmi les 57 contacts familiaux de ces 29 jeunes, seules trois personnes ont été contaminées. Et des 180 contacts extrafamiliaux, seuls deux ont attrapé le Covid-19.

Le groupe d’âge suivant — ceux entre 10 et 19 ans — comprenait 124 jeunes.

En moyenne, ceux-ci eurent 1,9 contact familial et 1,8 contact extrafamilial.

Parmi leurs 231 contacts familiaux, 43 personnes ont été contaminées. Et parmi leurs 226 contacts extrafamiliaux, 2 ont attrapé le Covid-19.

Chez les 5 553 participants de vingt ans ou plus, il y eut en moyenne 1,9 contact familial et 8,7 contacts extrafamiliaux.

Parmi leurs 10 304 contacts familiaux, 1 202 personnes ont été contaminées. Et parmi leurs 48 075 contacts extrafamiliaux, 917 ont attrapé le Covid-19.


Transmissibilité du Covid-19 selon l’âge

Groupe d’âge Transm. familiale Transm. extrafamiliale
De 0 à 9 ans 5,3 % 1,1 %
De 10 à 19 ans 18,6 % 0,9 %
20 ans et plus 11,7 % 1,9 %

Dans ces trois groupes d’âge, si la contamination familiale fut plus élevée que la transmission extrafamiliale, c’est que tous les contacts familiaux ont été testés alors que parmi les contacts extrafamiliaux, on n’a testé que les personnes symptomatiques.

Ces données indiquent que l’aptitude à transmettre le Covid-19 est deux fois moindre chez les enfants prépubères que chez les adolescents et les adultes alors que le nombre moyen de contacts familiaux fut essentiellement le même dans les trois groupes.

Cette contagiosité est moindre lorsqu’il s’agit de personnes avec lesquelles les jeunes enfants entretiennent moins de promiscuité, soit les personnes extrafamiliales.

Par ailleurs, une recherche de contacts réalisée en mars et avril 2020 dans la ville italienne de Trento auprès de 2 812 personnes atteintes a révélé que ceux-ci avaient contaminé 890 (ou 13,3 %) de leurs 6 690 contacts.

Les 14 sujets de l’expérience qui étaient âgés de moins de quinze ans ont transmis l’infection à 11 de leurs 49 contacts, soit une contagiosité de 22,4 %. Dans cette étude, c’est ce groupe qui s’est avéré le plus contagieux.

L’expression génétique des récepteurs ACE2b

Selon une étude chinoise publiée en juin dernier, tous les enfants sont susceptibles de contracter le Covid-19.

Pourtant la sévérité de leurs symptômes est moindre et — comme le démontre cette étude-ci — leur contagiosité est la moitié de celle des adolescents et des adultes.

Comment expliquer cela ?

En avril dernier, nous avons émis l’hypothèse que les récepteurs (appelés ACE2) sur lesquels les coronavirus doivent se fixer afin de pouvoir pénétrer dans les cellules épithéliales étaient différents dans les voies respiratoires supérieures (nez, gorge), comparativement à ceux dans les voies respiratoires inférieures (poumons).

Nous avons appelé les premiers ACE2a et les seconds, ACE2b.

Leurs différences expliqueraient pourquoi les coronavirus grippaux, très contagieux, ont beaucoup plus d’affinité pour les récepteurs ACE2a que pour les récepteurs ACE2b (qu’ils finissent néanmoins par contaminer eux aussi, déclenchant ainsi la toux grippale).

Il est prouvé que les coronavirus du SRAS et du syndrome respiratoire du Moyen-Orient ont peu d’affinité pour les récepteurs ACE2a. Pour contaminer l’humain, ils doivent atteindre directement les récepteurs ACE2b, enfouis profondément dans l’arbre respiratoire.

Ce qui fait que ces virus sont moins contagieux, mais provoquent des symptômes beaucoup plus graves.

Il est également prouvé que le virus du Covid-19 est capable de se fixer aussi facilement aux récepteurs ACE2a qu’aux récepteurs ACE2b. Ce qui le rend à la fois très contagieux et très virulent.

Pour expliquer la susceptibilité moindre des enfants prépubères au Covid-19, on peut imaginer que les humains, peu importe leur âge, ont dans leur bagage génétique le code nécessaire à créer n’importe quel récepteur ACE2, qu’il s’agisse d’un récepteur ACE2a ou ACE2b.

Toutefois, à l’instar des caractères sexuels secondaires (qui ne se révèlent qu’à la puberté), les gènes des récepteurs ACE2b seraient en dormance jusqu’à cette étape de la vie.

En se fixant aux récepteurs ACE2a, accessibles dès la naissance, le Covid-19 :
• contamine leurs voies respiratoires supérieures,
• s’y multiplie à profusion,
• y produit parfois une perte d’odorat (sans que cela ait été rapporté jusqu’ici),
• y crée une importante charge virale au niveau du nez et de la gorge, et
• contamine leurs gouttelettes respiratoires (comme chez l’adulte) puisque celles-ci originent principalement de la salive qui tapisse les voies respiratoires supérieures.

Mais l’inhalation de leurs propres gouttelettes respiratoires hautement contaminées, au lieu d’étendre la contagion virale aux voies respiratoires inférieures, est alors sans effet en l’absence de récepteurs ACE2b au niveau des poumons puisque ceux-ci ne feront leur apparition qu’à la puberté.

Le résultat est que les jeunes enfants sont presque toujours asymptomatiques et que leur contagiosité est moindre parce qu’ils toussent peu.

Contaminés, ils peuvent quand même transmettre le virus parce qu’ils ont souvent un doigt dans le nez ou dans la bouche, que leurs baisers sont contagieux et que leurs joues (lorsque préalablement touchées) dispersent le virus par frottement lors de câlins.

Quant aux très rares cas de jeunes enfants qui sont morts du Covid-19 — pensons à cette fillette de 9 ans décédée en Floride le 18 juillet dernier — on peut supposer qu’il s’agirait de cas de puberté précoce ou d’enfants qui, exceptionnellement, auraient des récepteurs ACE2b pour d’autres raisons.

Références :
Contact Tracing during Coronavirus Disease Outbreak, South Korea, 2020
Contact tracing during Phase I of the COVID-19 pandemic in the Province of Trento, Italy
Epidemiology of COVID-19 Among Children in China
Florida girl who died of coronavirus had no known underlying health issues, family says
Les jeunes enfants responsables d’une faible partie de la transmission
Les mystères du Covid-19 (2e partie)

Parus depuis :
Age-Related Differences in Nasopharyngeal Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 (SARS-CoV-2) Levels in Patients With Mild to Moderate Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) (2020-07-30)
La hausse record des cas de COVID-19 inquiète des pédiatres albertains (2020-11-20)

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Écrit par Jean-Pierre Martel