Chasseur bombardier F-35
Depuis deux mois, le constructeur américain Lockheed Martin — qui fabrique le chasseur bombardier F-35 — mène une campagne de relations publiques dans cinq villes canadiennes afin de promouvoir son appareil militaire haut-de-gamme.
C’est donc mercredi dernier que les journalistes montréalais ont été invités à prendre place à l’intérieur du simulateur de vol du F-35 que la compagnie avait fait aménager à leur intention.
À cette occasion, le constructeur a fait valoir que si le Canada devait renoncer à son intention d’acheter 65 chasseurs F-35 Lightning II, notre pays perdrait d’importantes retombées économiques.
Plus de 70 entreprises canadiennes ont décroché des contrats relatifs au F-35, pour une valeur d’environ 450 millions de dollars. Au total, le gouvernement Harper estime que les retombées économiques seraient de l’ordre de dix milliards de dollars.
En somme, les contribuables devraient dépenser 45 milliards$ pour en retirer un bénéfice de dix milliards$ : cet investissement représente donc une perte de 78%. Est-ce là le meilleur placement qu’a trouvé le gouvernement Harper pour développer l’économie du pays ?
Lorsque le Québec construit un barrage hydroélectrique, on emploie des milliers de personnes pendant des années, on achète du ciment, des turbines, du matériel roulant, on construit des routes menant au site, etc. Bref, presque tout est dépensé au Québec et les retombées économiques dépassent les sommes investies dans le projet.
Avec les F-35, c’est le contraire. Pourquoi ?
C’est le résultat de la naïveté et de l’aveuglement idéologique des Conservateurs. Retour en arrière.
En 1999, le gouvernement fédéral de Jean Chrétien accepte que le Canada fasse partie d’un consortium de huit pays visant à mettre au point la prochaine génération de chasseurs bombardiers. Le protocole prévoyait une contribution monétaire du Canada au développement du projet mais aucun engagement d’achat.
Pourquoi le Canada a-t-il accepté de participer financièrement à ce projet ? Parce que cela rendait les entreprises militaires canadiennes éligibles à recevoir des contrats pour l’ensemble de la production du F-35 (et non seulement sur les appareils que le Canada aurait pu acheter).
Sous les Conservateurs de Stephen Harper, le Canada signe autre protocole en 2006 par lequel le Canada s’engage à faire l’acquisition de F-35. Le nombre d’avions de chasse se précise le 16 juillet 2010 : ce jour-là, le ministre de la Défense annonce que le Canada fera l’acquisition de 65 chasseurs F-35 Lightning II.
Mais par ce nouveau contrat, les Conservateurs renoncent à des retombées économiques garanties pour le Canada. Naïvement, le gouvernement Harper a préféré s’en remettant à la bonne foi habituelle entre partenaires d’affaires.
Mais au sein même des États-Unis, Lockheed Martin rencontre des difficultés à convaincre les décideurs publics à acheter cet appareil. Afin de maximiser ses appuis parmi les élus à Washington, le constructeur a saupoudré ses contrats d’approvisionnement dans quarante-six (sur 50) États américains, ce qui réduit d’autant les retombées de ce côté-ci de la frontière.
Bref, par la faute des Conservateurs, le Canada se fait fourvoyer.
Mais ceci étant dit, une discussion relative l’équipement militaire dépasse la simple question des retombées économiques. Si ces avions sont indispensables à la défense du pays, avons-nous vraiment le choix ? En d’autres mots, la question fondamentale est de savoir si nous avons absolument besoin de ces chasseurs bombardiers.
À long terme, un conflit avec la Chine ou la Russie est une possibilité à envisager. Mais ces pays ne se risqueront pas à se mesurer aux États-Unis tant que ces derniers conserveront une suprématie militaire écrasante.
D’ici à ce cette suprématie soit menacée, le Canada aura plutôt à participer à des opérations anti insurrectionnelles comme celles menées en Afghanistan. Or dans de tels conflits, les hélicoptères et les drones sont nettement plus utiles que des chasseurs bombardiers dernier cri.
Quant à la défense de la souveraineté canadienne dans l’Arctique — un des arguments invoqués par Lockheed Martin — le F-35 sera dans l’incapacité de communiquer dans l’Arctique jusqu’en 2019 car, contrairement aux CF-18, il ne possède pas la technologie nécessaire pour communiquer par satellite militaire. De plus, il est incapable d’atterrir dans le Nord canadien et il ne peut pas être ravitaillé en vol par les avions-citernes des Forces canadiennes.
Bref, la campagne de relations publiques de Lockheed Martin, ce n’est pas fort.
Références :
Dossier des F-35 : des contrats sont en danger
Lockheed Martin F-35 Lightning II
F-35: Lockheed Martin promet 10 milliards de retombées
Le F-35 est en ville… enfin presque
Lockheed Martin launches Canadian PR campaign for F-35
Parus depuis :
Trudeau annulerait l’achat des F-35 (2015-09-20)
Les drones armés vont-ils remplacer le Casque bleu canadien? (2017-12-07)
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