Ce matin, à 11h, une messe chantée sera célébrée à l’église St-Augustin (située au Palais impérial). La musique sera du compositeur Joseph Haydn (1732-1809) que j’aime bien. Je n’ai pas de billet. J’espère seulement qu’on n’a pas besoin de réservation.
J’arrive dix minutes à l’avance. L’église est pleine. Mais on permet aux gens d’y assister debout. Pas de problème.
Déjà une cinquantaine de personnes — portant une tunique écru décorée à l’épaule gauche d’une croix grecque rouge — ont pris place dans le chœur. Ce sont les Chevaliers et Dames de l’Ordre du Saint Sépulcre. Au centre, cinq prêtres en chasuble verte brodée d’or font face à la foule.
À 11h pile, on allume les lustres de cristal poussiéreux au centre de la nef. L’orgue crache aussitôt un solo solennel et tonitruant typique de la fin du XIXe siècle. Du bas-côté droit, une procession avec cierges et encens se met en branle vers l’arrière de l’église, puis remonte la nef jusqu’au chœur.
Peu après, l’assistance est invitée à chanter un choral. Le dépliant remis en entrant reproduit le texte allemand et sa partition. Juste derrière moi, un homme à la voix forte entonne cet air, facile à retenir. Après une première écoute — il sera répété sous d’autres paroles deux autres fois — je me décide à chanter en allemand, convaincu que ce voisin couvrira toutes mes fausses notes et mon affreuse prononciation. Effectivement personne ne se retourne vers moi, l’air horrifié. L’expérience est amusante.
La messe durera environ 1h30. La musique sera de Haydn sauf pour une courte pièce chorale du XXe siècle hésitant entre la tonalité et l’atonalité, ce qui mettra en valeur le compositeur du XVIIIe.
Après la messe, je m’arrête dans l’ancienne pharmacie impériale, devenue casse-croute et boutique depuis deux décennies. Le lieu est très photogénique. Je demande la permission à une employée de prendre des photos. Dès cette permission accordée, je commande une soupe. Elle est un peu chère mais c’est ma façon de les remercier pour cette faveur.
La vue d’ensemble ci-dessus est la première photo que j’ai prise. Après la deuxième, le propriétaire me demande de prendre soin que ses clients n’apparaissent pas dans mes photos. Les sept autres seront donc selon sa volonté. À la neuvième, il me demande d’arrêter de photographier. C’est son droit : j’obéis.
Au moment où je règle l’addition, le patron se met à me reprocher de ne pas avoir demandé la permission avant de photographier dans sa boutique. Je lui réponds que c’est la première chose que j’ai faite et que si cette permission m’avait été refusée, je n’aurais pas mangé dans son établissement. Il hausse le ton pour me dire sèchement : “You have NOT asked for permission.” Pendant que j’essaie de me souvenir à qui j’avais bien pu demander cette permission, son employée lui murmure à l’oreille que c’est elle qui me l’a permis.
Plutôt que de s’excuser de m’avoir accusé faussement, le patron m’adresse alors une série de reproches : que c’est à lui que j’aurais dû demander permission, que j’avais abusé de la permission obtenue de son employée, que son commerce n’est pas un musée, etc.
Normalement, je suis assez prompt. Mais en vacances, je suis comme une poêle anti-adhésive; il n’y pas grand chose qui trouble ma quiétude. Ce qui fait que je n’ai pas répondu. Je me suis contenté de faire “Hum, hum” en hochant la tête légèrement vers l’avant (tout en pensant que si cela ne faisait pas son affaire, il n’avait qu’à le dire plus tôt).
C’est la deuxième fois qu’un incident semblable m’arrive à Vienne. Le lendemain de mon arrivée, j’avais pris une photo dans un centre commercial. Une femme dans la quarantaine s’était approchée de moi pour me reprocher de l’avoir photographiée. Elle avait exigée de voir la photo (où elle n’apparaissait pas). Après avoir zoomé sur chacune des personnes dans l’image alors qu’elle n’y était pas, après lui avoir montré la photo d’avant et celle d’après (prises toutes deux ailleurs), ce n’était pas suffisant. Elle avait donc continué ses reproches en allemand en dépit du fait qu’ils n’avaient aucune pertinence dans son cas.
En 1938, les Autrichiens ont accueillis avec enthousiasme l’annexion de leur pays à l’Allemagne d’Hitler (né en Autriche). En 1986, Kurt Waldheim (un ancien officier nazi) était élu Président de la république autrichienne. De nos jours, l’Autriche est le pays où les mouvements néo-nazis sont les plus populaires d’Europe : un parti d’extrême-droite a même récemment fait partie d’une coalition gouvernementale. Malgré le fait que ces mouvements sont très minoritaires, ils trahissent une xénophobie assez répandue dans le pays.
En somme, la grande majorité des Autrichiens sont hospitaliers mais on trouvera dans ce pays, plus souvent qu’ailleurs, des gens qui ne le sont pas, même chez ceux qui gagnent leur vie du tourisme (comme c’est le cas de ce commerçant).
En me promenant dans la Vieille ville, je visite l’église baroque Ste-Anne, ravissante avec ses fresques aux couleurs délicates et son clocher terminé par un bulbe de cuivre vert.
Puis je visite la Maison de la musique, une musée participatif extrêmement intéressant.
Le premier étage est consacré à l’Orchestre philharmonique de Vienne. Une borne d’écoute permet d’écouter quelques uns de ses enregistrements. Dans une petite salle de cinéma, on peut voir le DVD d’un de ses célèbres concerts du Nouvel An, de même qu’un de ses concerts d’été dans les jardins du palais de Schönbrunn. Dans une salle attenante, on peut composer aléatoirement (en jetant des dés) une valse personnelle. Je n’ai pas essayé.
Le deuxième étage est une présentation didactique sur la nature du son. On y trouve aussi deux ordinateurs sur lesquels on peut écouter de la musique populaire autrichienne. Sous cette application, qui ressemble à iTunes, on peut choisir des plages et graver son CD moyennant une somme dont une partie est versée aux artistes. J’ai trouvé l’idée géniale.
Le troisième étage — celui qui m’a le plus intéressé — est consacrée aux compositeurs de musique classique qui ont fait carrière à Vienne : Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Johann Strauss, Mahler, etc.
À la salle sur Haydn, on apprend que ce compositeur avait acheté à Londres un perroquet auquel il avait appris chanter les premières notes de l’hymne national autrichien. On imagine la mine des visiteurs les plus patriotiques, hésitant à adopter le garde-à-vous requis. À la mort du compositeur, l’oiseau fut vendu aux enchères pour la somme actualisée de 32,500 euros.
L’objet de plus précieux du musée sont les lunettes ayant appartenues à Franz Schubert.
Une borne permet au visiteur de jouer au chef d’orchestre. On choisit d’abord la partition parmi six œuvres archi-connues. Devant un écran sur lequel est projeté une vidéo de la Philharmonie de Vienne, le visiteur la fera jouer plus lentement ou plus rapidement selon la vitesse de sa propre battue. Cette battue affecte la vitesse d’exécution de la musique mais pas sa tonalité; en d’autres mots, le son ne devient pas plus grave lorsqu’on bat plus lentement. Dès qu’on cesse de diriger, un musicien se lève pour vous dire que de toute sa carrière, il n’a jamais connu de chef plus pourri que vous.
Le quatrième étage est consacrée à la musique atonale. Entre deux pôles verticaux, on peut composer sa propre œuvre en bougeant les mains ou, à un autre endroit, en utilisant un volant automobile basculant. Étonnamment convainquant, le résultat illustre à quel point il n’est pas nécessaire d’être compétent pour composer cette musique. Les visiteurs peuvent faire imprimer l’œuvre qu’ils viennent de composer afin de la faire jouer par l’orchestre symphonique de leur pays, si celui-ci est intéressé évidemment…
Détails techniques : Panasonic GH1, objectifs Lumix 7-14 mm F/4,0 (2e et 5e photos) et Lumix 14-45 mm (les autres photos)
1re photo : 1/30 sec. — F/3,5 — ISO 250 — 14 mm
2e photo : 1/30 sec. — F/4,0 — ISO 400 — 7 mm
3e photo : 1/15 sec. — F/3,5 — ISO 400 — 14 mm
4e photo : 1/60 sec. — F/5,6 — ISO 320 — 45 mm
5e photo : 1/20 sec. — F/4,0 — ISO 800 — 7 mm
Pour lire tous les comptes-rendus du voyage à Vienne, veuillez cliquer sur ceci.