L’été de 1967

Publié le 22 juin 2017 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Dans les mois qui viennent, on pourra voir à Montréal les expositions ‘À la recherche d’Expo 67’ (au musée d’Art contemporain), ‘Expo 67 — Rêver le monde’ (au musée Stewart), et ‘Mode Expo 67’ (au musée McCord).

En plus, le Musée des Beaux-Arts présente l’exposition britannique ‘Revolution’, qui porte sur l’effervescence artistique de la deuxième moitié des années 1960.

Trois mots expliquent cette période; jeunesse, fatalité et hédonisme.

Jeunesse

La deuxième moitié des années 1960 voit l’arrivée sur le marché du travail des Baby Boomers. On appelle ainsi ceux qui sont nés au cours des années suivant la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Le pouvoir d’achat soudain d’une jeunesse dépensière issue de cette explosion démographique bouleverse la société de consommation occidentale de l’époque.

Depuis la fin de la guerre, la très grande majorité des biens achetés étaient des biens durables; voitures neuves, maisons, ameublement, et électroménagers (notamment des articles de robotisation des tâches domestiques).

Mais ces babyboumeurs ont un profil de consommation diamétralement opposé à celui de leurs parents.

Fatalité

À cette époque, le monde est divisé en deux clans ennemis représentés par les États-Unis et la Russie. Nous sommes au paroxysme de la Guerre froide.

Chacun de ces clans a accumulé un stock d’ogives nucléaires capable de détruire plusieurs fois toutes les villes de plus de cent-mille personnes du clan adverse.

Pourquoi plusieurs fois ? Au cas où la majorité de ces ogives seraient interceptées. On veut la certitude d’anéantir l’ennemi.

La probabilité que l’Humanité puisse survire à une autre guerre mondiale est nulle; personne ne pourrait échapper à l’intense radioactivité qui détruirait toute vie sur Terre à l’exception des bactéries et des insectes.

Hédonisme

Contrairement à leurs parents à leur âge, on ne rêve plus à cette petite famille qu’on fonde et élève dans une banlieue récemment plantée d’arbres, dans une maison unifamiliale qui abrite même l’auto de papa et devant laquelle les paysagistes s’affairent à installer le gazon acheté en rouleau.

Sous la menace de l’anéantissement de toute vie sur Terre, il ne sert à rien de penser à l’avenir : seul l’instant présent compte. Et il faut le vivre intensément.

Les artistes sont animés de l’urgence de créer pendant qu’ils le peuvent. On décore et s’habille de couleurs vives. La musique se fait bruyante et audacieuse : pour en maximiser l’impact, on voudra l’écouter au cours de messes qui réunissent des foules gigantesques. Les drogues permettent d’expérimenter des perceptions sensorielles impossibles autrement.

Et pour augmenter les chances de survie de l’espèce, on explore des modes d’organisation sociale où les enfants ne sont plus la propriété exclusive d’un couple, mais sont élevés collectivement. Où l’exclusivité sexuelle n’est plus la règle.

Rapidement, l’industrie s’ajuste à cette clientèle libre de toute tradition et ouverte autant à la vulgarité qu’au sublime.

Cinquante ans plus tard, ce que nos musées exposent, ce ne sont pas les artéfacts d’une période révolue. Leur véritable sujet est intangible; c’est l’hédonisme d’une époque caractérisée par une révolution esthétique aussi éphémère que fascinante.

Un évènement emblématique

Si les musées montréalais ont choisi de symboliser cette époque par l’Expo 67, c’est que cet évènement est emblématique.

Après le désistement-surprise de la Russie — qui avait été choisie à la place de Montréal pour tenir l’évènement — on demande à la ville perdante, Montréal, de prendre la relève.

Mais les délais sont trop courts. Devant le fiasco probable de l’entreprise, peu de gens qualifiés veulent risquer leur carrière à prendre en charge la tenue de l’exposition.

Les pouvoirs publics confient donc a une équipe de jeunes —  talentueux mais relativement inexpérimentés — la tâche de faire de leur mieux en organisant une exposition dont le Canada n’aurait pas trop honte.

Et alors que de très nombreux commentateurs (surtout au Canada anglais) critiquent l’irresponsabilité des pouvoirs publics, l’optimisme et l’enthousiasme des organisateurs viennent à bout de tous les obstacles. Ceux-ci mettent finalement sur pied, dans les délais prévus, la plus grande exposition universelle de tous les temps.

Et pour les millions de visiteurs émerveillés, l’été de 1967 demeurera imprégné dans leur mémoire comme étant l’époque où tous les rêves étaient possibles…

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La leçon d’Expo67

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Écrit par Jean-Pierre Martel