Parlement irlandais (© 2011 — Tebibyte, sur Wikipédia)
À la fin de la semaine dernière, les agences de presse européennes annonçaient la fin du plan d’aide destiné à soutenir l’économie irlandaise. Ces dépêches ont été reprises en chœur par tous les grands quotidiens à travers le monde.
En réalité, l’Irlande n’a pas encore remis un sou des 124 milliards$ du plan d’aide — au taux d’intérêt de 6,7% — que ce pays a été obligé d’accepter en 2010 afin de sauver son système bancaire, menacé de faillite.
Il y a quatre jours, le Fonds monétaire international (FMI) versait même une tranche de 890 millions$, destinée à être la toute dernière de son aide financière à Dublin.
Cette perfusion massive du trio de bailleurs de fonds — la Commission de Bruxelles, la Banque centrale européenne et le FMI — a permis à l’économie irlandaise de connaître une très faible croissance économique depuis trois ans, après la débâcle de la crise économique de 2007-2010.
Sur la base d’une prédiction de croissance de 2% l’an prochain, le gouvernement irlandais et le FMI ont annoncé conjointement la fin du plan d’aide.
Malheureusement, ceci est inexact. En réalité, le FMI estime qu’il n’aura plus à effectuer de nouveaux versements pour soutenir le pays. Mais l’Irlande ne s’est toujours par affranchi du plan d’aide dans la mesure où elle doit toujours rembourser les 124 milliards$ qui lui ont été prêtés.
À l’heure actuelle, l’Irlande est le dixième pays le plus endetté au Monde. Cette dette est estimée à 118,4% du PIB en 2012, soit une croissance de 12% en comparaison avec l’année précédente. Et on estime qu’elle aura grimpé à 124% à la fin de ce mois-ci. Donc l’Irlande s’enfonce dans la dette.
Depuis 1987, l’Irlande a beaucoup cru au néo-libéralisme. En adhérant à l’Union européenne en 1973 et en réduisant le taux d’imposition des entreprises (12,5% contre 33,3% en France), ce pays a attiré de nombreux capitaux étrangers.
Au moment de son adhésion au marché commun européen, le PIB par habitant était à 64% de la moyenne européenne. Entre 1994 et 2000, son taux de croissance économique fut de 8% par année. Si bien que le PIB par habitant s’est haussé au deuxième rang européen, après le Luxembourg.
Mais la déréglementation de la finance irlandaise a favorisé les pires abus et conséquemment, le pays a été frappé de plein fouet par la crise économique. La récession a provoqué une contraction du PIB de 3% en 2008, 7% (sic) en 2009 et 0,4% en 2010.
Menacé de faillite, le pays a été forcé d’accepter de se porter garant de toutes les dettes de ses banques privées (même à l’étranger), plutôt que de faire comme l’Islande (qui ne s’est portée garante que pour les dettes contractées sur son territoire). On estime que le pays a du dépenser 40% de son PIB (soit le tiers de sa dette actuelle) afin de sauver son système bancaire.
Le résultat est une dette faramineuse et un taux de chômage qui est passé de moins de 4% avant la crise à 15,1% en 2012.
Critiqué pour la sévérité des correctifs qu’il impose, le FMI a besoin de prouver que ses plans de sauvetage fonctionnent bien. De plus, en annonçant triomphalement la fin du plan d’aide monétaire international, le FMI espère protéger l’Irlande des spéculateurs sur sa dette. Cela est très naïf.
Les dirigeants de ce pays ne prévoient pas de retour à l’équilibre budgétaire avant 2018. En d’autres mots, la dette de l’Irlande continuera d’augmenter d’ici là.
Que feront les agences de notation ? Ils abaisseront la cote du pays. Et les créanciers, de plus en plus inquiets, réclameront des taux d’intérêts de plus en plus élevés, au fur et à mesure où augmentera le risque du financement de cette dette.
Les assureurs qui protègent les créanciers contre un défaut de paiement augmenteront leurs primes. Leurs analystes susciteront la crainte, évoquant le risque croissant d’une faillite de l’État irlandais afin de justifier l’augmentation des primes exigées par ces assureurs. Même les créanciers qui ne sont pas inquiets auront avantage à prétendre l’être afin de forcer l’État irlandais d’augmenter le taux d’intérêt de ses emprunts.
Or l’assiette fiscale du pays est d’autant plus mince que les entreprises y contribuent peu. Conséquemment, l’État devra privatiser et transférer sur le dos des particuliers une part croissante du coût des services qu’il assumait jusque là.
Les Irlandais, qui profitent très peu de la faible croissance économique actuelle du pays, verront leur pouvoir d’achat fondre au fur et à mesure que leur gouvernement pliera sous les exigences de ses bailleurs de fonds.
Bref, de sombres jours à l’horizon, à l’opposé de ce que suggèrent les manchettes récentes des quotidiens…
Références :
CIA Word FactBook
Irlande
Islande : La révolution des casseroles
Les incendiaires
L’Irlande déclare la fin du plan d’aide FMI-UE
L’Irlande sort du plan d’aide mais les célébrations attendront
L’Irlande s’affranchit de l’aide internationale
L’Irlande, toujours face à ses démons