Vendredi soir dernier, en finissant de travailler, je me suis rendu sur le site du festival Juste pour rire et j’en suis revenu furieux; je n’en reviens pas des obstacles qu’on oppose inutilement à la libre circulation sur ce site.
Concrètement, cela signifie que si un incident fâcheux devait déclencher un vent de panique chez une foule nombreuse de festivaliers, on aurait très certainement plus de gens blessés ou tués à cause de ces obstacles que par cet incident proprement dit. Les 19 photos ci-dessous constituent le dossier des lacunes que les autorités concernées sont invitées à corriger.
Note : Il suffit de cliquer sur une de ces photos pour l’agrandir.
La rue Sainte-Catherine
À son intersection avec la rue Jeanne-Mance, vendredi soir dernier, on avait placé des blocs de béton afin de marquer la fin d’une parade en provenance, apparemment, de l’ouest de la rue Sainte-Catherine : environ un mètre séparaient ces blocs, les uns des autres. Depuis, ces blocs ont été enlevés.
Le trottoir du côté sud de la rue Sainte-Catherine ne fait pas partie du site. Une clôture métallique continue suit ce trottoir sur toute sa longueur à l’exclusion d’une étroite ouverture aménagée en face de la Place Desjardins.
Plus loin, de chaque côté de la rue, des kiosques permettent à des marchands et des restaurateurs d’offrir leur marchandise : c’est le Souk du festival. Certains de ces marchands en ont profité pour placer des obstacles sur la voie publique.
Ailleurs, des files d’attente rétrécissent le passage empruntable par les festivaliers. Si bien qu’à certains endroits, il suffit d’une seule personne obèse ayant une grosse sacoche en bandoulière, d’un handicapé sur son siège motorisé ou d’une mère poussant le carrosse de son bébé, pour bloquer le passage du Souk.
Du côté nord de la rue Sainte-Catherine, à l’intersection avec la rue Saint-Urbain, un escalier permet d’atteindre l’esplanade de la Place des Arts. Puisque le festival Juste pour rire commence à la rue Saint-Urbain (plutôt qu’au boulevard Saint-Laurent), on a évidemment aménagé une clôture qui délimite le site mais qui crée un cul-de-sac dans lequel serait retenue la foule en provenance de l’esplanade qui tenterait de s’échapper en descendant cet escalier. De plus, toujours du côté nord de la rue, derrière les kiosques du Souk, on pouvait autrefois circuler le long du Théâtre Maisonneuve lors des FrancoFolies et du Festival de Jazz. Cette voie de circulation est maintenant bloquée.
Au milieu de la section de la rue Sainte-Catherine occupée par le festival, dans les grands escaliers qui donnent accès à l’esplanade de la Place des Arts, on a ajouté des cordons — ce sont des doublons futiles aux rampes de métal qui y sont déjà — des chaises, des kiosques, des corbeilles et des poubelles qui constituent autant d’obstacles sur lesquels trébucherait une foule en panique.
L’esplanade de la Place des Arts
Tout comme les escaliers qui y donnent accès, ce territoire est jonché d’obstacles.
La rue Jeanne-Mance
Le passage le long de côté sud du Musée d’Art contemporain est maintenant condamné par la billetterie. Tous les festivaliers en provenance de la rue Sainte-Catherine ou des marches de l’esplanade qui se déplacent vers l’Ouest doivent obligatoirement emprunter une intersection qui, comme nous l’avons vu, est parfois jonchée de blocs de bétons et devient alors un goulot d’étranglement.
Mon impression est à l’effet que les festivaliers qui profitent des événement gratuits en soirée constituent un marché différent de ceux qui paient pour les spectacles en salles. Si tel est le cas, on aurait eu avantage à placer la billetterie sur le boulevard De Maisonneuve, près de la sortie de métro (en fait, à la place du Labyrinthe Get Lost), ce qui aurait permis aux acheteurs en provenance du métro d’accéder facilement à la billetterie au lieu de leur infliger une longue marche.
Justement près de la bouche de métro sur la rue Jeanne-Mance, on a établi deux rangées de barrières. Pas une : deux. Cela a pour résultat que les dizaines de milliers de personnes présentes sur la Place des Festival doivent nécessairement contourner la barrière au premier plan, passer par le boulevard De Maisonneuve pour attendre leur tour, et finalement emprunter le métro. Tout cela favorise des comportements civilisés et courtois. Malheureusement, face à une foule en panique, il est illusoire de vouloir enseigner les bonnes manières. Par conséquent, cette double barrière représente un danger potentiel inutile et allonge indument l’exécution d’un ordre de libérer le passage à la foule.
Le long de cette voie de circulation, on a ajouté également différents obstacles. Toutefois, contrairement aux trottoirs, la rue est libre. Comme il s’agit d’un boulevard à quatre voies, cela est amplement suffisant pour permettre à une foule nombreuse de s’échapper. C’est donc la seule partie totalement sécuritaire du site.
Conclusion
À part ses extrémités nord et ouest, tout le site occupé par le festival Juste pour rire — c’est à dire l’esplanade de la Place des Arts et la rue Sainte-Catherine — est jonché d’obstacles qui mettraient en péril la sécurité des festivaliers si un incident dramatique devait y survenir.
Il est impossible d’empêcher un tireur fou d’accéder aux différents festivals qui se succèdent à Montréal, pas plus qu’on pouvait empêcher le drame de Polytechnique. Toutefois, il est essentiel de limiter les pertes de vie que pourrait occasionner un désaxé.
La solution la plus simple, celle à laquelle tout le monde pense spontanément, c’est la solution « hollywoodienne » : jucher sur le toits qui surplombent le site, des militaires qui auraient pour mission d’abattre un malfaiteur. Dans les faits, il s’agit d’une solution coûteuse et stupide.
Elle est stupide parce s’il est vrai que des tireurs d’élite pourraient abattre plus rapidement le tueur et arrêter plus vite le nombre de ses victimes, on contribue surtout à la panique de la foule qui entend alors des tirs de partout et qui ne sait plus alors où se réfugier. Or cette panique est beaucoup plus meurtrière.
En effet, le nombre de morts causées par un tireur fou est peu de chose (si j’ose dire) comparé au nombre de ceux qui seraient piétinés à mort après avoir trébuchés sur des obstacles sur le passage d’une foule en état de panique. Or à l’heure actuelle, l’Est de la rue Sainte-Catherine est un immense cul-de-sac dans lequel des festivaliers paniqués seraient faits comme des rats.
Ces lacunes ne sont pas nouvelles. C’était comme ça il y a deux ans. C’était comme ça l’an dernier. Mais à l’époque, le Quartier des festivals était un immense chantier. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Les gens de Juste pour rire portent maintenant la responsabilité entière de ces lacunes. Je les invite à les corriger dans les plus brefs délais.
Postscriptum : À deux reprises depuis la publication de ce texte, l’hyperlien de ce billet à été envoyé au festival Juste pour rire, qui n’a pas jugé bon en accuser réception de manière formelle.
Par contre, le bureau du Maire de Montréal, par la voix de son directeur des communications, m’a fait parvenir la réponse ci-dessous.
Monsieur,
Le maire de Montréal, M. Michael Applebaum, a bien reçu le courriel que vous lui avez adressé le 10 janvier 2013, concernant le texte que vous avez mis en ligne sur la dangerosité du site de Juste pour rire.
Nous avons transmis votre courriel à Mme Francine Chometon au bureau du directeur du Service de police de la Ville de Montréal, pour suites appropriées.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Darren Becker
Directeur des communications