Nourriture halal : controverses futiles

Publié le 16 mars 2012 | Temps de lecture : 6 minutes
Cantine de mets halal à New York

La nourriture halal est celle qui est préparée conformément prescriptions de la religion musulmane. Les aliments halal sont le sujet de deux polémiques récentes.

Le mois dernier, une candidate à l’élection présidentielle française déclarait que la totalité de la viande distribuée dans la région parisienne était halal. De plus, elle annonçait son intention d’intenter des procédures judiciaires pour « tromperie sur la marchandise » puisque l’étiquetage de ces aliments n’en informerait pas les consommateurs. Cette déclaration a soulevé beaucoup d’inquiétude.

Essentiellement, tout cela s’est avéré sans fondement : cette candidate a simplement été induite en erreur par un reportage télévisé mal fait. Toutefois, cela nous amène à nous poser une première question : « La nourriture halal, représente-t-elle un danger ? »

Une autre préoccupation découle d’une controverse dont l’origine remonte à un appel d’offre du Ministère de la sécurité publique du Québec destiné à fournir en prison de la nourriture cachère ou halal aux détenus juifs ou musulmans.

Il y a deux jours, le porte-parole du PQ en matière d’agriculture — lui-même vétérinaire — qualifiait de cruel l’abattage rituel des animaux de boucherie et, conséquemment, contraire aux valeurs québécoises. D’où la seconde question : « L’abatage rituel est-il cruel ? »

L’innocuité de la viande halal

Dans l’islam, le terme « halal » signifie ce qui est permis ou autorisé pour le pratiquant. La viande halal doit répondre à des critères précis : l’animal égorgé doit être conscient, sa tête tournée vers La Mecque (ce qui est rarement respecté au Québec) et des paroles précises doivent être prononcées.

La nourriture halal a le même aspect, la même odeur, la même texture et le même goût que la nourriture qui ne l’est pas. En somme, la nourriture halal ne contient aucune substance chimique particulière qui permettrait de l’identifier.

Les Musulmans croient que Dieu exige qu’ils mangent halal, tout comme les Chrétiens croient que l’hostie consacrée contient le corps du Christ. Et de la même manière que l’hostie consacrée contient le même nombre de calories que l’hostie qui ne l’est pas, la nourriture halal a exactement le même goût et la même composition que la nourriture ordinaire. En somme, c’est pareil… sauf pour le croyant : si vous ne l’êtes pas, il n’y a pas de différence.

L’identification de la nourriture halal

Certaines personnes ne veulent pas manger de nourriture halal ou cachère. C’est leur droit.

Parce que la certification halal ou cachère représente des coûts additionnels pour les fabricants, les aliments halal ou cachère coûtent habituellement plus cher. Mais ce n’est pas nécessairement le cas. Donc il est possible que de la nourriture présumément « ordinaire », trouvée à l’épicerie, soit en réalité halal ou cachère sans que le fabriquant ait senti le besoin de le préciser.

Devrait-on identifier la nourriture cachère ou halal ? Oui. Toutefois dans la longue liste des choses qu’on cache aux consommateurs, l’identification précise des constituants allergènes, la présence d’organisme génétiquement modifié et le nom du pays d’origine sont nettement plus prioritaires.

Quant à la précision de la certification halal ou cachère, elle est d’une importance très secondaire, compte tenu de la différence dérisoire de ces aliments avec la nourriture « ordinaire ».

L’abattage rituel est-il cruel ?

Depuis longtemps, les animaux de boucherie ne sont plus abattus à la ferme. On les transporte donc sur de longues distances vers un abattoir, habituellement situé à des heures ou des jours de distance. Au cours du transport, les animaux sont entassés les uns contre les autres, stressés, sans manger ni boire. Si bien qu’une partie d’entre eux décèdent en cours de route.

Arrivés à l’abattoir, les bovins, les moutons et les porcs doivent s’avancer dans des enclos de plus en plus étroits où finalement, une seule bête pourra passer afin d’y être électrocutée.

Entretemps, les employés guident les animaux à l’aide de tiges qui administrent des petits chocs électriques afin que les animaux avancent dans la bonne direction et accélèrent le pas. Afin de diminuer le stress des moutons, certains abattoirs néo-zélandais se servent de chiens pour faire avancer les animaux (comme ils le font aux champs).

Les gros animaux de boucherie sont d’abord assommés à l’aide d’une décharge électrique (électronarcose) avant qu’être égorgés.

Apparemment, tout ceci est conforme aux valeurs québécoises.

Alors que la réglementation française oblige les abattoirs à étourdir les animaux avant de les tuer, les viandes halal et cachère bénéficient d’une dérogation afin que les animaux soient abattus selon les rites religieux. Ces derniers consistent notamment à égorger l’animal encore conscient (comme on ébouillante le homard sans l’assommer au préalable).

Voilà enfin ce qui heurterait les valeurs québécoises. Comparé au reste, quel scandale, n’est-ce pas ?

Références :
Abattage rituel : le retour du refoulé
Des politiciens nourrissent une controverse sur la viande halal
Halal
Les propos de Le Pen sur la viande halal démentis par les professionnels
L’offensive anti-viande halal de Marine Le Pen
Viande halal – L’abattage rituel heurte les valeurs québécoises, selon le PQ
Viande halal : les experts de l’industrie se font rassurants, les politiciens réclament l’étiquetage

Compléments de lecture :
Arabes vs Musulmans
Impopularité d’Al-Qaida chez les Musulmans
La lapidation ou la barbarie participative
Les boucs-émissaires

Détails techniques de la photo : Panasonic GH1, objectif M.Zuiko 12mm f/2,0 — 1/30 sec. — F/2,0 — ISO 30 — 12 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel