Covid-19 : une rentrée scolaire idéale en 2020

Publié le 19 août 2020 | Temps de lecture : 13 minutes

Introduction

L’école est essentielle au développement de l’enfant.

De plus, la réouverture des écoles est nécessaire au bon fonctionnement de l’économie; en libérant les parents, ceux-ci peuvent retourner au travail, permettant ainsi aux entreprises de reprendre leurs activités.

Mais tout déconfinement entraine une augmentation du nombre de contacts interpersonnels. D’où une hausse prévisible de la contagion au Covid-19.

Quel est le contexte optimal permettant la réouverture des écoles sans que cette hausse soit catastrophique ?

Le temps propice

Pour l’Organisation mondiale de la Santé, on peut rouvrir les écoles quand, depuis au moins deux semaines, le pourcentage de tests positifs au Covid-19 parmi la population est moins de 5 %.

Certaines autorités sanitaires sont plus exigeantes que l’OMS et estiment que le taux de positivité maximale doit plutôt être de 3 %. C’est le cas de la ville de New York.

Le Québec a choisi la norme plus libérale de l’OMS, ce qui est acceptable. Chez nous, le taux de tests positifs est effectivement en deçà de 5 % depuis la dernière semaine de juin.

Même récemment, les fêtards qui n’ont pas respecté les mesures sanitaires dans des bars et des fêtes privées n’ont pas réussi à faire hausser le taux de positivité au-delà de la limite fixée par l’OMS.

Autre indice d’amélioration : depuis mai, chaque personne atteinte contamine en moyenne moins d’une personne saine. C’est ce qui explique la réduction générale des cas, des hospitalisations et des décès qu’on observe depuis ce temps, sauf lors d’une faible résurgence des cas en juillet.


 
Dans le graphique ci-dessus, on a représenté en grisé la période de confinement, décrétée le 13 mars (pour tout, sauf les services essentiels) et sa levée presque complètement le 25 juin.

En raison du respect généralisé du confinement par la population québécoise, on a assisté à une diminution importante de la contamination par le Covid-19 et la presque disparition de ses conséquences meurtrières.

Si bien qu’aujourd’hui, la réouverture des écoles au Québec se fait dans un contexte où sont respectés les critères des autorités sanitaires.

La rentrée, une occasion unique

L’Australie, la Chine, la Nouvelle-Zélande et le Vietnam ont réussi (temporairement) à éradiquer le Covid-19 de leur territoire.

Mais l’actualité récente prouve que le moindre relâchement peut entrainer le retour de la pandémie.

Au Québec, la pandémie est contrôlée sans avoir complètement disparu.

À l’aide d’une politique ambitieuse de tests et de recherche de contacts, la rentrée scolaire pourrait être une occasion d’éradiquer (ou presque) le Covid-19 du territoire québécois.

Des moyens ambitieux

Le port généralisé du masque

La semaine dernière, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) publiait ses recommandations sanitaires au sujet du Covid-19 en milieu scolaire.

Sauf de rares exceptions, le CDC recommande le port généralisé du masque, de la maternelle à la fin de l’école secondaire.

Au Québec, tous les écoliers devront porter le masque, mais seulement à partir de la cinquième année du primaire.

Même si les mineurs atteignent leur puberté à des âges légèrement différents, la cinquième année du primaire permet, en gros, de distinguer les enfants prépubères des adolescents.

Au sujet du masque, la distinction que fait le Québec entre ces deux groupes d’âge est basée sur des ‘preuves’ épidémiologiques qui suggèrent que les enfants prépubères jouiraient d’une ‘résistance naturelle’ à la pandémie.

Ceux-ci sont sous-représentés dans la population atteinte. D’où l’idée qu’ils jouiraient d’une telle résistance.

En réalité, les seules preuves dont nous disposons indiquent que les décès causés par le Covid-19 sont extrêmement rares chez les enfants prépubères et que leur contagiosité — c’est-à-dire leur aptitude à transmettre aux autres leurs virus — est environ la moitié de l’aptitude des adultes atteints.

Dans tous les pays qui ne testent que les personnes symptomatiques, les enfants testés seront ceux admis en hôpital pédiatrique. Ceux qui ne paraitront pas suffisamment malades aux yeux des parents pour justifier leur admission passeront sous le radar des autorités sanitaires.

Depuis des mois, les jeunes enfants ont beaucoup moins d’occasions d’attraper le Covid-19 que les adultes parce que les écoles sont fermées et que leurs contacts sont limités aux autres membres de leur famille et aux petits voisins.

Voilà pourquoi les données épidémiologiques sous-estiment très certainement l’aptitude des enfants prépubères à contracter le Covid-19.

En raison de la fermeture prématurée des écoles le printemps dernier, certains États américains procèdent déjà à la réouverture de leurs écoles afin de reprendre le temps perdu.

Or beaucoup d’entre elles doivent aussitôt fermer leurs portes en raison d’une explosion de la contagion parmi leurs élèves.

C’est le cas en Géorgie, un état américain qui a eu jusqu’ici 420 morts par million d’habitants (comparativement à 669 au Québec) et où on a procédé cumulativement à 233 686 tests par million de personnes (comparativement à 100 074 au Québec).

Au Québec, l’obligation de porter le masque qu’à partir de la cinquième année est une erreur qui minera la confiance du public envers la réouverture des écoles.

L’immense majorité des parents souhaitent envoyer leurs enfants à l’école parce qu’on leur assure que cela est sécuritaire. L’opinion publique fera volteface si on voit se répéter au Québec ce qui se produit actuellement aux États-Unis.

Tester, tester et tester

Dans la région de Montréal, épicentre de la pandémie au Québec, la réouverture des écoles nécessite un certain nombre de précautions.

Elles sont peut-être également nécessaires ailleurs, mais permettez-moi de me limiter ici à la région métropolitaine, soit la moitié du Québec.

En plus de la généralisation du port du masque, à chacune des deux premières semaines qui suivront la réouverture des écoles, il serait approprié de tester tous les élèves, tous les professeurs et tout le personnel de soutien. Et obtenir les résultats dès le lendemain du test. Dès la troisième semaine, on espacera le dépistage.

Pour l’année scolaire 2018-9, aux niveaux préscolaire, primaire et secondaire, les écoles publiques du Québec accueillaient 1 216 791 élèves, 107 744 enseignants et un nombre indéterminé de travailleurs.

Pour la région montréalaise, cela fait, en gros, 725 000 personnes, soit 150 000 tests à effectuer par jour, du lundi au vendredi.

Aussi ambitieux que cela paraisse, cela est conforme aux recommandations émises en avril dernier par le réputé Harvard Global Health Institute.

Ses experts recommandaient qu’en juillet, les États-Unis en soient rendus à effectuer vingt-millions de tests par jour.

De son côté, The Rockefeller Foundation suggérait aux autorités sanitaires américaines une cible plus facile à atteindre dès novembre 2020, soit six-millions de tests par jour (trente-millions de tests par semaine).

Toutes proportions gardées, pour le Québec, cela correspond à effectuer quotidiennement entre 155 000 et 517 000 tests, selon qu’on suit les recommandations de la Rockefeller Foundation ou d’Harvard.

Ces tests servent à la lutte générale contre la pandémie. Du nombre, il faudrait en réserver la moitié afin d’assurer une rentrée scolaire en douceur.

Ce qui représente en gros 150 000 tests quotidiens à Montréal (300 000 tests pour l’ensemble du Québec).

Moins tester, cela ne change rien à la propagation. Cela fait seulement qu’on se réveille quand le tison est déjà devenu un incendie.

Éteindre les foyers d’éclosion

Grâce à ce dépistage réellement massif, on est en mesure de déceler une bonne partie des foyers d’éclosion puisque les enfants serviront à nous les révéler.

C’est alors qu’il faudra tester les membres de toutes les familles dont un enfant aura été déclaré positif et effectuer une recherche de contacts.

C’est par ce moyen qu’on pourra éteindre une bonne partie des foyers d’éclosion et peut-être réussir à éradiquer le virus du Québec.

Des généraux sans armée

La Santé publique fait reposer la responsabilité d’une rentrée scolaire ‘sanitairement’ réussie sur les épaules des établissements et sur la population, appelée à adopter des comportements responsables.

Effectivement, ceux-ci ont un rôle important à jouer. Mais on ne doit pas oublier celui des autorités sanitaires.

Depuis des semaines, la Santé publique dit craindre la venue d’une ‘deuxième vague’, justement à l’occasion de la rentrée scolaire.

À cette fin, elle a édicté toute une série de règles auxquelles les établissements scolaires devront se soumettre.

Or dans une guerre, le renseignement est la première étape de la stratégie. Et dans une guerre sanitaire, le renseignement c’est le dépistage.

Les pays gagnants sont ceux qui ont dépisté et confiné.

Ici, on a confiné. Mais pour le dépistage…

La Santé publique stagne avec moins de vingt-mille tests quotidiens; la semaine dernière, on en était à 18 596 tests par jour.

Les autorités sanitaires auraient aujourd’hui le personnel et tout l’équipement qui leur faut si, au lieu de lutter stupidement contre le port du masque, elles s’étaient employées à se doter d’une capacité importante à trouver les personnes atteintes et à étouffer leur contagion.

Finalement, dans cette guerre au virus, la Santé publique est comme un quartier de généraux qui discutent stratégie et qui donnent des ordres (sous forme de normes sanitaires) alors que presque aucun soldat n’est au front et qu’on compte sur la population pour repousser l’ennemi.

On peut donc s’attendre à une rentrée scolaire pleine de rebondissements.

Le concept de la ‘bulle’ scolaire

Pour terminer, permettez-moi d’aborder le concept de la ‘bulle’ scolaire.

En raison de la pénurie d’espace dans les écoles du Québec, on ne peut pas y respecter une distance sanitaire de deux mètres à moins de construire, d’ici quelques jours, des centaines de nouvelles écoles où les écoliers seront bien distants les uns des autres.

Ce problème a été résolu facilement; en milieu scolaire, on a réduit la distance sanitaire à un mètre. À l’exclusion des amphithéâtres, rares sont les classes où les sièges étaient, avant la pandémie, à moins d’un mètre de distance.

Réduire la distance sanitaire à un mètre, c’est abolir de facto la distance sanitaire.

En plus, dès qu’ils seront assis, les élèves qui portaient un masque pourront l’enlever.

En somme, au lieu d’être une occasion d’éradiquer (ou presque) la pandémie, la rentrée scolaire sera l’occasion de baisser la garde.

L’expérience des autres pays nous enseigne que cela une mauvaise idée.

Du point de vue pédagogique, il existe d’excellentes raisons de préconiser l’enseignement à visage découvert. Mais du point de vue sanitaire, si on veut se priver de l’efficacité préventive du masque, il est essentiel de compenser par autre chose.

Cela aurait pu être compensée par un dépistage de grande envergure. Ce à quoi la Santé publique, malheureusement, ne s’est pas préparée.

Pour justifier ses politiques accommodantes, le ministère a élaboré le concept de la ‘bulle’ scolaire. On fait ainsi allusion à la serre botanique qui protège les plantes qui y vivent.

À la rentrée, chaque classe se transformera donc en ‘bulle’, limitée à environ 25 élèves.

Ceux-ci étudieront et mangeront dans un seul et même local. Ce qui limitera toute contagion à ces 25 élèves, nous assure-t-on.

Ce beau concept est vicié à la base puisque les élèves mangeront et étudieront dans leur classe… sans y dormir.

S’ils y étaient pensionnaires, la classe serait une bulle fermée.

En réalité, la bulle comprend 25 élèves et, implicitement, 50 parents, un nombre indéterminé de frères et de sœurs, de même que toutes les personnes rencontrées par les parents au travail ou en faisant leurs emplettes.

Directement ou indirectement, c’est à tous ces gens que chaque élève sera exposé. En retour, c’est tous ces gens qu’il pourrait contaminer s’il était porteur asymptomatique.

Ce qui s’en vient est tellement prévisible…

Références :
Appel à un assouplissement des mesures de distanciation pour les plus jeunes
Données COVID-19 au Québec
Étude de séroprévalence des donneurs de sang
Grippe espagnole
Guidance for K-12 School Administrators on the Use of Cloth Face Coverings in Schools
Il y a trois mois, Québec commençait la bataille contre la COVID-19
Information for Pediatric Healthcare Providers
La contagion dans les bars fait grimper le taux de tests positifs à Montréal
Le Covid-19 chez les enfants prépubères
L’épidémie «contrôlée» au Québec
Le Québec déconfiné en attendant la deuxième vague
Le Québec enregistre 87 nouveaux cas de COVID-19
Les écoles ne peuvent imposer le port du masque en classe
National Covid-19 Testing Action Plan
Neuf élèves d’une même classe infectés au coronavirus
Pandémie de Covid-19 au Québec
Pediatric SARS-CoV-2: Clinical Presentation, Infectivity, and Immune Responses
Rapport annuel Ministère de l’éducation du Québec
Roadmap to Pandemic Resilience
US Historical Data
1,193 Quarantined for Covid. Is This a Successful School Reopening?

Parus depuis :
Hors de la classe, les bulles éclatent (2020-09-02)
Témoignage : Pour un dépistage vraiment efficace (2020-09-10)
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Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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Un commentaire à Covid-19 : une rentrée scolaire idéale en 2020

  1. sandy39 dit :

    J’aime bien votre phrase : “…alors que presque aucun soldat n’est au front et qu’on compte sur la population pour repousser l’ennemi.”.

    On confine mais on ne dépiste pas : on ne fait, donc, que la moitié des choses… Au lieu de tester les élèves dès les premiers jours de rentrée, on préfère surveiller les gens qui ne mettent pas le masque (surtout en grande ville) pour leur mettre une amende !

    Chez Nous, en France, le masque est obligatoire à partir de 11 ans, dans certaines manifestations, dans les magasins.

    Mardi matin, à la Boulangerie, on m’a appris que le port du masque est obligatoire au Collège, dans les salles de cours même si elles sont assez grandes pour respecter les distances.

    Pour les Etudiants, les cours en amphi n’ont pas lieu. Les conditions demeurent difficiles pour eux qui n’ont pas accès à leur salle pour manger, où on y trouve les micro-ondes où ils pourraient chauffer leur repas de midi.

    Les cafétarias et restaurants universitaires doivent être ouverts mais vu la situation, peut-être que beaucoup d’entre eux préfèreraient ne pas prendre de risque…

    Cela doit être compliqué, aussi, dans les lycées, dans la queue (file) du self.

    Donc, il ne nous faut pas croire, non plus, que les lycéens ne vont pas Contaminer leur famille…

    C’est, donc, loin d’être une Rentrée idéale !

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