L’histoire d’Ad Lib Inc.
Les premiers microordinateurs IBM-PC sont nés en 1981.
Il s’agissait de gros boitiers métalliques renfermant principalement une carte maitresse.
Cette dernière était dotée de fentes de connexion permettant d’insérer des cartes-filles; une carte vidéo pour connecter l’écran cathodique, une autre carte pour le modem, etc.
En 1987, un ancien vice-doyen de la faculté de musique de l’université Laval se passionne pour la micro-informatique. Il fonde la firme Ad Lib Inc. dont le but est d’améliorer la reproduction sonore des ordinateurs du temps, limités alors à un petit hautparleur de qualité médiocre.
Sa première carte est nommée Ad Lib Personal Computer System, conçue autour de la puce YM3812 de la japonaise Yamaha.
Après des débuts difficiles, cette carte rencontre une immense popularité après que les amateurs de jeux vidéos découvrent que celle-ci améliore considérablement le réalisme des séances du jeu King’s Quest IV.
En moins de deux ans, la carte Ad Lib devient indispensable aux yeux de millions de joueurs.
Mais son créateur, le professeur Martin Prevel, voit grand. Il conçoit une nouvelle carte beaucoup plus performante, l’Ad Lib Gold, conçue autour d’un nouveau microprocesseur, le YMF262 de Yamaha.
Mais ce fournisseur approvisionne également un rival de la compagnie québécoise, soit Créative Labs. Ce rival est japonais, tout comme Yamaha.
Pendant que ce rival expérimente et teste un produit concurrent de l’Ad Lib Gold, Yamaha expédie des puces défectueuses à la compagnie québécois, ce qui retarde le développement de son nouveau produit.
En 1990, Creative Labs sort sa carte Sound Blaster avec des mois d’avance. Quand la québécoise met finalement en marché sa nouvelle carte Ad Lib Gold, celle-ci n’intéresse plus personne et la compagnie doit déclarer faillite deux ans plus tard.
L’informatique de British Airways
En 2016, le nouveau patron de British Airways décidait de délocaliser vers l’Inde la programmation du système informatique de ce transporteur aérien.
L’Inde est reconnue pour la compétence de ses programmeurs. À l’époque du ‘bogue de l’an 2000’, ce sont les programmeurs de ce pays qui ont réécrit de nombreux programmes informatiques.
La fin de semaine dernière, en Angleterre, les avions de la British Airways ont été cloués au sol en raison d’une panne informatique qui a affecté mille vols.
Pour le transporteur, les pertes sont évaluées à 170 millions de dollars canadiens.
Selon le transporteur, la cause serait un pic de courant électrique qui aurait endommagé les principaux ordinateurs utilisés pour les opérations de la compagnie.
La corruption
Alors que rien ne le laisse supposer dans le cas de la British Airways, imaginons le scénario hypothétique suivant.
Une compagnie internationale décide de délocaliser sa programmation informatique. Cette compagnie joue un rôle stratégique dans l’économie d’un pays occidental.
Situé dans le Tiers-Monde, le contractuel est une compagnie fiable qui possède une longue expérience de bons et loyaux services.
Le prix de ses services est très avantageux parce que ses programmeurs coutent beaucoup moins cher. Mais justement pour cette raison, ils sont plus sujets à la corruption.
Si une puissance étrangère veut nuire à l’économie de ce pays occidental, il lui suffit de corrompre non pas les dirigeants de la firme informatique mais n’importe quel employé qui a accès au code source du logiciel élaboré pour la compagnie internationale.
Tout comme Creative Labs a mené Ad Lib Inc. à la faillite.
J’imagine que le jour où un tel scénario se produira, on prendra conscience de ce qui est déjà évident; la délocalisation — qu’il s’agisse d’un logiciel, d’une pièce maitresse ou un composant essentiel à la fabrication d’un produit industriel — peut entrer en conflit avec la sécurité nationale.
Références :
Ad Lib, Inc.
British Airways CEO will not resign despite ‘catastrophic’ IT failure
Author of Sound Blaster: The Official Book talks about the early days of PC audio
Paru depuis :
Plus d’un million de masques retenus en Inde (2020-03-30)
Permettez-moi de risquer une boutade : on a alors raison de se méfier des gens des pays chez qui on se délocalise et réciproquement. Une saine paranoïa. A beau mentir qui vient de loin. On est tous suspects !(0:
Plus sérieusement : un ex-homme d’affaires américain qui oeuvra en Afrique une vingtaine d’années devint prof d’université aux États-Unis et écrivit un livre dans lequel il désigna trois défauts majeurs qui, partout dans le monde, nuisent au capitalisme : l’illégalité, la cupidité et la corruption. Il fournit des exemples de l’Afrique mais plusieurs aussi de son propre pays.
Bref, oui, il est de mise d’être sur ses gardes.