« Tourner le dos » au tsunami

Publié le 3 mars 2011 | Temps de lecture : 4 minutes

Dans une entrevue accordée hier au Devoir, Gérard Bouchard — l’ex-coprésident de la Commission sur les accommodements raisonnables — met en garde les Québécois contre le danger de « tourner le dos » à l’anglais, ce qu’il juge impropre, voire criminel.

Pour ce qui est de l’importance de la connaissance de l’anglais parmi les francophones québécois, il n’y a personne — même parmi les indépendantistes purs et durs (dont je ne fais pas partie) — qui soutienne qu’il vaut mieux ne pas connaître cette langue.

La musique populaire écoutée au Québec est en grande partie anglophone. La majorité des chaines télévisées disponibles par câblodistribution sont anglophones. La très grande majorité des sites Web sont anglophones. La majorité des livres de référence recommandés lors d’études universitaires au Québec sont en anglais. Dans la région montréalaise, tous les emplois disponibles dans la vente au détail ou dans le service à la clientèle exigent une bonne connaissance de l’anglais. D’ici à ce que la Chine émerge comme première puissance mondiale, l’anglais demeurera la langue universelle des échanges et des communications internationales.

D’autre part, parmi ses responsabilités, l’Office de la langue française commande et publie des études sociologiques qui permettent de mesurer l’importance démographique des francophones québécois. On se rappellera qu’en 2008, une partie des experts avaient démissionné avec fracas du Comité de suivi de l’Office. Peu après, on avait appris que la présidente de l’Office — une des 6,400 nominations politiques du gouvernement Charest — ne rendait public que les études rose-bonbon afin de ne pas troubler la paix linguistique au Québec. Si bien que le seul moyen de percevoir le recul du français à Montréal, c’est avec nos oreilles. Or ce qu’elles nous révèlent est inquiétant.

Depuis plusieurs décennies, j’habite le quartier d’Hochelaga, situé dans l’est de l’île de Montréal. À l’époque, ce quartier était presque totalement francophone. Il s’agit maintenant d’un des plus importants quartiers touristiques du Québec, grâce à la présence du stade olympique, du Jardin botanique, de l’insectarium, du Château Dufresne, du Biodôme, etc. Donc il est normal d’y entendre parler anglais durant la saison estivale, alors que des centaines de milliers d’Américains viennent à Montréal assister aux nombreux festivals qui s’y déroulent.

Hormis la saison touristique, ce sont les résidents qu’on entend dans les lieux publics. Or dans mon quartier, je n’ai jamais autant entendu parler anglais que depuis l’accession au pouvoir du Parti libéral. Évidemment, cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Mais il est devenu fréquent, lorsque je prends le métro pour aller vers le centre-ville, que la majorité des passagers parlent anglais, même en hiver.

De plus, je ne connais personne au Québec qui ne sache pas, au minimum, se débrouiller en anglais : par opposition, je rencontre de plus en plus souvent — des livreurs de restaurant par exemple — qui sont incapables de me parler français ou qui refusent de le faire alors que je suis leur client.

Bref, je ne sais pas quel tabac fume M. Bouchard mais promouvoir la connaissance de l’anglais au Québec de ces temps-ci, c’est comme prêcher l’importance bénéfique de l’eau aux victimes d’un tsunami.

Références :
Anglicisation du Québec : Monsieur Charest préfère chanter et jouer de la lyre…
Des commerces qui ne servent pas en français
Gérard Bouchard au Devoir – Tourner le dos à l’anglais serait «criminel»

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