Écriture à relais

Publié le 25 février 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

Hier soir, à l’Université de Montréal, avait lieu le troisième et dernier atelier d’écriture sous la direction de Mme Marie-Christine Hellot.

Un des exercices proposés consistait à diviser les quatorze participants à l’atelier en trois groupes de quatre ou cinq personnes.

En boucle, chaque membre du groupe écrivait les deux premières phrases d’un texte puis passait la feuille à son voisin de droite. Celui-ci devait lire le texte et compléter l’histoire de deux phrases de son cru. Et ainsi de suite. Le texte revenu au premier auteur, celui-ci en rédigeait la conclusion.

Puisque chaque participant à l’atelier débutait et terminait un texte, nous nous sommes retrouvés avec quatorze documents. Tout comme à la Ligue nationale d’improvisation, il y a bien eu un ou deux cas de rudesse, mais en général, les participants se sont adaptés au style de l’auteur de départ. Si bien qu’on aurait cru, dans presque tous les cas, que chaque texte avait été écrit par une seule et même personne.

On trouvera ci-dessous le texte dont je n’ai écrit que le début et la fin. J’ai pris soin de demander à mes collègues la permission de publier la totalité du document mais — je me sens un peu stupide — j’ai oublié de noter leurs noms. On me pardonnera cette négligence.

J’ai alterné les caractères et les italiques pour marquer le passage d’un auteur à l’autre.


 
Les premiers cas n’avaient pas attiré l’attention. C’était la canicule, ils étaient vieux ou vulnérables, donc personne ne s’est inquiété jusqu’au dixième cas.

Une étrange maladie semblait se propager, sans que personne ne puisse identifier sa provenance. D’abord, certains éprouvaient un mal de tête terrible. Puis, après deux jours de fièvre intense, les malades perdaient leurs cheveux et…

leurs dents. À peine quinze jours après l’apparition du premier cas, plus d’une centaine de personnes se ruaient quotidiennement chez leur dentiste ou leur coiffeur. Loin de se plaindre, ces professionnels trouvaient tout de même la chose inquiétante.

Au bout de quelques jours, les rues étaient couvertes d’un fin duvet et on ne pouvait prendre une marche sans sentir des craquements sous les chaussures. La ville finit par créer un service spécial de nettoyage.

Inquiètes, les autorités se demandaient comment enrayer l’épidémie. On ne pouvait se résigner l’idée que la ville puisse ultimement devenir la seule au monde où tous les citoyens, sans exception, seraient chauves et édentés.

Lui-même atteint, le maire voulu rassurer ses concitoyens. Mais sans dentition — donc privé de son éloquence habituelle — il suscita l’ironie de ceux qui n’étaient pas encore atteints et la désolation chez les autres. Et puis, quelques jours plus tard, tout s’arrêta, à la grande surprise des analystes et des experts : les premiers s’empressèrent de fournir l’explication logique et rationnelle attendue d’eux, tandis que les seconds tentèrent de donner leur nom au phénomène, dans l’espoir futile de passer à la postérité. Puis, au fil des années, cette histoire fut jugée d’abord anecdotique puis sombra finalement dans l’oubli comme une feuille morte emportée par le grand fleuve du temps.

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Écrit par Jean-Pierre Martel