Dracula chez les Bohémiens

Publié le 25 novembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Au Québec, il est interdit de vendre de son sang. On peut en donner à la Croix-Rouge par civisme. Mais la seule gratification — hormis la satisfaction à l’idée de sauver des vies — est le café ou le verre de jus, de même que les quelques biscuits offerts aux donateurs.

Dans le cas du plasma sanguin, il est obtenu en prélevant et en centrifugeant du sang entier. Une fois centrifugé, le sang forme deux couches. Au fond, une couche rouge (où se sont concentrés les palettes, les globules blancs et les globules rouges) surmontée d’un liquide translucide de couleur jaunâtre, le plasma.

Nos gouvernements ont choisi d’interdire le commerce du sang — entier ou sous forme de plasma — pour éviter que des nécessiteux vendent leur sang (ou leurs organes) afin de payer leur épicerie ou leurs créanciers.

De nos jours, 80 % du plasma sanguin mondial provient des pays où le commerce du sang est permis : les États-Unis, l’Autriche, la République tchèque, l’Allemagne et la Hongrie. À elle seule, l’Europe continentale récoltait 56 % du plasma mondial en 2020.

En Hongrie, le commerce du sang est permis et mollement règlementé. La loi permet de verser au donateur 18,3 euros par don.

Toutefois, la loi n’interdit pas d’autres gratifications comme des billets de loterie, des coupons d’épicerie, ou la participation à ces concours où sont attribués des vélos électriques ou des téléviseurs à écran au plasma (non-sanguin, évidemment).

Le pays compte 50 de centres de prélèvement qui opèrent six jours par semaine. Ceux-ci recueillent au total 135 000 litres de sang annuellement.

La commercialisation du plasma est une industrie lucrative. Dans la ville de Miskolc, située dans le nord-est du pays et peuplée d’environ 170 000 habitants, on compte quatre centres de prélèvement.

Même si la loi interdit d’effectuer plus de deux dons de plasma par semaine, il n’existe aucun mécanisme qui permet de savoir la fréquence avec laquelle un donateur effectue ses dons s’il va d’une clinique à l’autre.

D’autre part, à 3,84 %, le taux de chômage en Hongrie est relativement faible. Mais il était de 17,2 % en septembre dernier chez les jeunes de moins de 25 ans et encore plus élevé dans les régions désindustrialisées du pays, notamment dans le nord-est du pays.


 
Or c’est dans cette région qu’on trouve principalement les cliniques qui font le commerce du sang. Et c’est également là que vit la minorité rom de Hongrie.

Au cours des siècles, les Roms ont porté différents noms : Bohémiens, Gitans, Romanichels, et Tziganes. Pudiquement, de nos jours, on les appelle parfois ‘Gens du voyage’ (une allusion à leur nomadisme).

De loin, la Rom la plus célèbre est un personnage fictif; c’est Carmen, la gitane de l’opéra homonyme. Avec celle-ci rivalise Esmerelda, la bohémienne de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.

Au sein des Roms hongrois, donner du sang est une manière de boucler les fins de mois. Des jeunes âgés d’à peine seize ans sont acceptés dans ces cliniques même si l’âge minimal requis est de 18 ans.

Les journalistes du quotidien The Guardian ont ainsi rencontré une mère et son fils qui vont à la ville de Miskolc (dont nous avons parlé plus tôt), située à deux heures de chez eux en auto, pour donner du sang. “Nous donnons tous les deux; c’est comme ça qu’on nourrit notre famille de dix personnes.” dit la mère.

Une autre personne rencontrée par ces journalistes du Guardian a donné 220 litres de plasma en une même année. Précisons que la limite légale est annuellement de 34 litres.

Puisque le corps humain ne renferme que cinq litres de sang, comment est-ce possible de donner autant de plasma ?

Lorsqu’on donne du sang complet, il faut environ trois semaines pour qu’apparaissent de nouveaux globules rouges. Mais lorsqu’on donne du plasma, cela est beaucoup plus rapide puisque le plasma ne contient que de l’eau, des protéines (dont certains anticorps et des protéines responsables de la coagulation sanguine), des hormones et des électrolytes.

Lorsqu’on donne trop souvent du plasma, c’est surtout l’immunité du donneur qui s’affaiblit d’un don à l’autre en raréfiant ses anticorps, le rendant plus sujet à l’infection.

Références :
Hungary’s most deprived people donate blood plasma to survive – photo essay
Minorité rom de Hongrie
People should be paid for blood plasma
What influences decisions to donate plasma? A rapid review of the literature

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Un commentaire à Dracula chez les Bohémiens

  1. André joyal dit :

    Ç’a-tu du bon sang!!!!!

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